Salomée Ndayishimiye et Liliane Nshimirimana, deux femmes journalistes, aux cursus scolaires et académiques différents, aux parcours différents mais avec un engouement professionnel commun et un leadership remarqué.
Dans le but de la promotion du leadership féminin, l’AFJO a tendu le micro à ces deux femmes journalistes qui ont parlé à cœur ouvert et ont dévoilé leur vie professionnelle.
Salomée NDAYISHIMIYE, est psychologue clinicien de formation et journaliste producteur depuis 2002 et manager de la Radio Culture depuis octobre 2015. Elle est membre également de l’AFJO. Elle est mariée et mère de quatre enfants.
Comment appréciez-vous la contribution de l’AFJO dans la promotion de la femme au Burundi et de la femme journaliste en particulier ?
Depuis sa création, l’AFJO visait la défense et la promotion des droits des femmes en général et ceux des femmes journalistes en particulier. Bien qu’il y ait encore beaucoup de choses à réaliser, on remarque des avancés au niveau du respect des droits de la femme, mais aussi dans la prise en compte du genre dans les médias grâce aux campagnes médiatiques menées par l’organisation.
Quel souvenir avez-vous en lien avec la promotion du genre au Burundi ?
La chose qui m’a marqué le plus, au moment où je commençais mon métier de journaliste, à chaque fois que je tendais le micro à une femme, même les intellectuelles, il y avait une réticence de répondre aux questions. Le plus souvent , les femmes se disaient incapables ! « Yooo mbega yemwe ndabishobora ! » (- vais-je être à la hauteur ? ) « Mbega yemwe mvuga iki ! » (Que vais-je dire ?). C’est le genre de réponses que j’entendais.
Un autre souvenir : lorsque j’ai commencé ce métier, j’étais une très jeune femme. Je n’oublierai jamais le fait de quitter le congé de maternité trois semaines après mon accouchement sous la menace de perdre mon contrat ! Je devrais reprendre le travail rapidement.
Comment avez-vous accueilli votre nomination à la tête de la Radio Culture ?
Ma nomination a créé une angoisse en moi non pas parce que je n’étais pas à la hauteur d’assurer la direction, mais j’avais tellement peur de diriger une radio en faillite depuis presque deux ans. A ce moment, il y avait une crise économique dans les médias burundais. Heureusement, avec tous les efforts fournis avec mes collègues, nous sommes parvenus à redresser la situation.
En quelques mots, comment décririez-vous votre rôle ?
Mon rôle en tant que responsable d’une radio est de guider, écouter mes collaborateurs pour atteindre les objectifs fixés. J’essaie de développer certaines approches, notamment l’échange d’expériences avec mes collègues responsables d’autres médias pour y tirer des orientations pour certaines opportunités. Je reste également en communication avec mes collaborateurs de la Radio Culture pour échanger sur les idées innovantes, constructives.
A quoi ressemble votre journée au travail ?
Je me réveille à 5 heures du matin, je fais ma prière matinale. J’arrange certaines choses pour la famille, je fais ma toilette, je me rassure que tout est fait pour la famille avant de quitter la maison pour le service à 7h, le plus souvent. Arrivée à la radio, je dois revoir certains dossiers urgents avant de participer à la réunion de rédaction qui commence à 8 heures. Je continue le reste de la journée conformément à l’agenda du jour.
Le plus souvent, je quitte le bureau à 18 heures, pour m’occuper de ma famille (les devoirs à domiciles des enfants, engagements sociaux…), mais des fois c’est le moment de faire certains contacts avec les partenariats. Je me retrouve au lit souvent vers minuit, après avoir tout mis en ordre.
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Je travaille actuellement sur les projets « La lutte contre les barrières culturelles : facteur d’autonomisation et de réduction des violences faites aux femmes/filles » et celui sur « Education des jeunes sur les valeurs culturelles positives au Burundi »
Comment parvenez-vous à exécuter en même temps vos responsabilités en tant qu’épouse, mère et manager d’une radio ?
Pour mieux exécuter mes tâches de mère et de management d’une radio, je me fais aider par mon époux, mes enfants, mais aussi mes collaborateurs de service.
Les difficultés que je rencontre parfois sont notamment l’incompréhension de la part de mon mari. La plupart des hommes ne tolèrent pas des appels à des heures avancées, ce qui peut arriver pour des raisons de service. Aussi, les femmes responsables des médias, comme les femmes journalistes, sont exposées aux harcèlements sexuels. Les autres défis sont notamment le temps limité avec la famille, l’insuffisance des financements pour les médias actuellement, etc.
Avez-vous un message à adresser aux femmes et filles burundaises qui hésitent encore à s’affirmer dans la société ?
Les femmes et les filles ont du charisme, un haut niveau d’intelligence émotionnelle, un savoir-être plus aiguisé, la bienveillance, le sens d’écoute et l’empathie. Elles ont besoin seulement d’une forte confiance en soi pour s’affirmer dans la société.
Qu’est-ce que vous aimez dans la vie ?
J’aime le travail
Qu’est-ce que vous détestez ?
Je n’aime pas l’injustice
Un mot de la fin ?
J’encourage l’AFJO à continuer le plaidoyer pour la prise en compte du genre dans les médias burundais et soutenir les femmes aux postes de responsabilités dans les différents médias burundais. Je l’invite aussi à plaider pour le respect des droits des femmes dans les médias , en guise d’exemple, je pense, au droit à la maternité et à l’allaitement
Première femme journaliste des sports au Burundi, Liliane Nshimirimana a été élue en 2021 à la tête de l’Association des Journalistes des Sports du Burundi. Une première. Membre du Comité National Olympique, c’est une sportive déterminée, passionnée par son métier. Une vraie leader des médias. Rencontre.
Comment vous êtes devenue journaliste de sport ?
Par le volley-ball. A la fin de mes humanités, je suis entrée à l’université. J’ai été recrutée par une équipe de volley-ball. J’ai constaté que les matchs de volley-ball n’étaient pas médiatisés par les radios. J’ai décidé de commencer à envoyer des informations sur ces matchs aux radios qui avaient des émissions sportives à l’époque. En 2005, des journalistes sportifs m’ont invité pour une réunion du Comité National Olympique (CNO). Ils m’ont par la suite désigné d’être leur point focal pour la couverture médiatique des activités du volley-ball et membre de la commission communication du CNO.
Mais vous n’êtes pas encore tout à fait journaliste…
En 2007 à la fin de mes études universitaires, j’ai été stagiaire à la radio « Ijwi ry’Amahoro » initiée par les Evêques catholiques du Burundi. J’ai demandé et on a accepté que je commence à co-animer l’émission sur le sport, produite en kirundi et français. Par la suite, j’ai intégré l’Association des Journalistes des Sports du Burundi. J’ai reçu le certificat de mérite offert par le CNO pour la couverture médiatique axée sur l’olympisme. J’ai eu la chance de suivre une formation des journalistes sur le sport féminin au Kenya. Et depuis, je suis dans le métier.
Qui vous a inspiré pour aimer et embrasser ce métier ?
Tungabose Tharcisse, une référence dans le journalisme sportif. J’aimais écouter ses émissions sportives à la RTNB et je voulais exercer son métier.
Qu’est ce qui vous plait dans ce métier de journaliste des sports ?
Le sport est un déstressant pour moi. Avec le sport, on discute souvent sans se disputer. J’ai eu beaucoup d’amis au pays et à l’extérieur grâce à ce métier.
Au Burundi, vous n’avez jamais eu du mal à vous faire accepter ?
C’est vrai, au début, les gens étaient curieux de voir cette femme qui produit les émissions sportives. Je leur disais que les hommes qui produisent des émissions sportives n’ont rien de plus que moi. Et je précisais que je suis aussi une sportive avant d’être une productrice d’émissions. J’ai eu aussi des soutiens, comme l’ex-journaliste sportif Venant Nimpagaritse. Une petite anecdote : un jour il est venu me dire en privé que je commettais une faute de prononciation d’un nom d’une équipe de football. Il m’a recommandé d’écouter les émissions sportives de la RFI particulièrement, pour maîtriser les noms des équipes et leurs prononciations. Je n’ai jamais oublié.
Des souvenirs, des défis au cours de votre parcours ?
En 2017, des journalistes m’ont poussé à me faire élire à la tête de notre association avec la promesse de me soutenir. Malheureusement, le jour J, ils n’ont pas tenu la parole. Au cours de la campagne, ils ont dit qu’une femme ne peut pas diriger cette association. Je ne me suis pas découragé. En 2021, je me suis présenté de nouveau aux élections. Cette fois, ce fut la bonne : j’ai été élu. J’avais un meilleur projet pour l’association. Je me réjouis d’ailleurs que les promesses faites au cours de la campagne soient en train d’être tenues. Un exemple, la formation certifiante de plus de 50 journalistes des sports : une première au Burundi. Les lauréats de ces formations sont en train de mettre en œuvre les leçons apprises.
Les hommes sont majoritaires dans votre métier, spécialement du côté des journalistes sportifs. Cela ne vous gêne pas ?
C’est vrai. Par exemple dans notre organisation, nous sommes 113 journalistes des sports, dont six femmes seulement. Cela est dû principalement aux mentalités rétrogrades qui prétendent que le sport est réservé aux hommes. Mais cela ne me gêne pas, je continue à me battre pour qu’il y ait plus de femmes.
Dans l’exercice de votre métier, aucun complexe ?
Pas du tout. Je suis journaliste, j’ai ma carte de presse, je sais traiter l’information. Je travaille comme tout journaliste professionnel.
Qu’est-ce que vous détestez dans la vie ?
L’injustice. Je suis prête à me battre lorsque je suis face à un cas d’injustice.
Qu’est-ce que vous aimez dans la vie ?
La musique, écouter les informations à la radio, siroter une limonade…