La femme rurale burundaise croupit sous le double fardeau issu du travail « visible » et « invisible ». Pourtant, d’aucuns ne voient que le premier type de travail. Cette image biaisée et injuste mérite une attention particulière.
Lorsqu’on pose la question de savoir le temps que passe les femmes rurales burundaises, la plupart pensent directement au travail « visible ». Il s’agit alors par exemple au temps passé à effectuer les travaux champêtres, à faire le suivi direct de son commerce etc. Les « heures de services », en quelques sortes. Pourtant, nos femmes, surtout rurales passent beaucoup de temps à assurer un travail « invisible » … Elles croulent à cause de beaucoup de travaux que peu de personnes savent valoriser, y compris les médias.
« Je me lève à cinq heure du matin, soit une heure avant mon mari. Je lave les enfants et préparent le petit-déjeuner pour le reste de la famille, avant de partir au champ … A 11 h, je reviens à la maison pour préparer le déjeuner, faire la vaisselle et nettoyer la maison. Dans l’après-midi, je passe beaucoup de temps à la recherche du bois de chauffage et puiser de l’eau pour la famille. Il arrive souvent, surtout en période pluvieuse que je retourne au champs l’après-midi. Le soir, je prépare le dîner tout en m’occupant d’autres travaux ménagers. Je dors après m’être rassurée que dans ma famille, tout le monde est au lit. Au cours de la nuit, il arrive souvent que mon sommeil soit interrompu par mon bébé qui réclame le sein maternel … ». Ceci est un récit d’une femme rurale burundaise qui témoigne de l’ampleur de ses responsabilités. Cette femme est chargée également de donner « un bon exemple » à sa fille, pour ne pas s’exposer aux moqueries de la communauté, en commençant par son propre mari.
Que fait l’homme dans l’entretemps ?
Notre culture burundaise a mis l’homme au premier plan et sa femme au second plan. Les filles reçoivent une éducation qui les met en dessous de leurs frères. La répartition des tâches ne vient que renforcer ces inégalités.
Les mentalités ont bougé mais les vieilles reflexes ont la vie dure ; surtout dans les milieux ruraux burundais. Tous les hommes ne réagissent pas de la même manière, mais il est clair que pour la plupart, les hommes travaillent moins que les femmes. De plus, leurs travaux sont « visibles », car le travail « invisible » est réservé aux femmes.
Au Burundi, c’est la femme qui assure les préparatifs de l’homme pour qu’il aille travailler dans de bonnes conditions. Il attend souvent que ce soit elle qui prépare le nécessaire (petit-déjeuner, l’eau pour se laver etc). C’est la raison pour laquelle il se lève souvent après sa femme. En général, et particulièrement pendant la saison siège sèche, le travail de l’homme dans les champs et autres travaux manuels se limitent à l’avant midi. Après, l’homme a droit au déjeuner qu’il n’a pas souvent préparé. Il a droit parfois à la sieste, au moment où sa femme s’affaire dans la cuisine, quand elle ne s’occupe pas de ses enfants. Les après-midi, les hommes vont joindre les autres hommes pour partager des idées autour d’un pot ou s’adonnent à différentes activités sociales, avant de rentrer tard.
Le soir, l’homme prend des nouvelles de la maison, donne des directives, écoute la radio avant de manger (parfois un repas plus copieux que les autres pour ne pas le bouder simplement, car il a peut-être manger ailleurs …) et dormir … pour se réveiller le lendemain …
A noter que certains équipements de la maison sont généralement réservés à l’homme rural burundais, ou au mieux ils ont la priorité. Il s’agit, entre autres de la radio et du vélo. Les biens du foyer, d’une grande valeur sont gérés directement par l’homme. Il s’agit notamment du gros et petit bétail ainsi que des produits de la récolte d’une grande valeur tels que les bananiers.
S’il est vrai que la femme contribue beaucoup à la production agricole, le produit de la vente est géré d’abord par l’homme. Lors de la vente du produit de la récolte ou d’un bétail, l’homme est alors « disponible ». En fonction de la bienveillance de l’homme, la femme pourra solliciter et recevoir ou pas une partie de l’argent pour subvenir à ses besoins.
Généralement, les femmes rurales qui vendent le produit de la récolte (issu majoritairement du fruit de leurs sueurs) à l’insu de leurs maris s’exposent aux représailles. Ces dernières peuvent aller aux brimades à la répudiation, en passant par les coups et blessures. Le fameux niko zubakwa, littéralement c’est comme cela que les femmes tiennent bon pour rester au foyer … contribue à ce que ces femmes supportent dans le silence toutes ces injustices.
Que faire alors …
Le travail « invisible » des femmes rurales burundaises est sous couvert par les médias burundais, sauf dans les faits divers. Pourtant, les femmes burundaises sont majoritaires, selon les statistiques officielles. Pour atteindre un développement durable, les journalistes burundais doivent conjuguer leurs efforts pour relever ce défi. Le travail entamé par l’AFJO il y a 25 ans a inscrit dans ses priorités l’appui aux femmes burundaises. Des avancées notoires ont été reconnues officiellement par les différents partenaires dont les autorités publiques. Ces efforts méritent d’être soutenus afin d’envisager l’éradication de ces inégalités et injustices à l’égard de la femme rurale burundaise. Il en va de l’avenir du Burundi. A bon entendeur salut!